4 - LA SAVOIE - DOCUMENTS - HISTOIRE - Documents de Savoie - - 15 - Jeudi 13 avril Mr le médecin Mollard vient de recevoir la croix de Saint Maurice pour sa belle conduite le 4 courant. C'est une des croix des mieux méritées dans le temps actuel. Mollard m'a paru bien radieux. On le nommera nécessairement chirurgien de la garde nationale. L'attitude de nos républicains est toujours bien silencieuse. Duclos et Parent n'ont pas encore reparu. Les autres se font peu voir. On ne parle toujours que des affaires du 3 et du 4. On blâme de n'avoir pas résisté à l'entrée et à l'échauffourée des ouvriers. Il fait bon parler après coup. Mais avec les renseignements que l'on avait le conseil de ville ne pouvait pas prendre sur lui les conséquences et les chances d'une résistance. J'ai vu l'esprit de la garde nationale, il était en général certainement pour l'ordre et pour le maintien du gouvernement ; mais il était peu d'hommes qui offraient leur vie pour la résistance. C'est l'indignation causée par la présence même de la colonne des ouvriers qui a surexcité les esprits. Le danger vu de près a disparu. Au reste il est un grand nombre d'individus qui aspirent à faire partie du conseil de ville par le moyen des élections qui doivent avoir lieu prochainement. Ce sont ceux qui crient le plus haut contre l'administration actuelle. Ils n'auront jamais ma voix, car outre que j'estime peu les détracteurs, celui qui blâme à tort et à travers une administration n'est pas administrateur, puisqu'il ne sait combien, il est difficile de concilier les intérêts et les moyens. Le soir j'ai vu au grand café l'avocat Mollard prenant des gorgées de joie au détriment du conseil de ville, et un groupe de gants jaunes l'applaudissant. J'ai vu aussi Bébert le pharmacien faisant le guerrier au café Pache. Ce n'est pas dangereux. Ce soir il y a réunion au café Pache je pense que c'est pour les élections. Ils veulent absolument constituer des comités. C'est difficile avec notre caractère apathique et notre esprit ironique. Rey J.J. est venu me tourmenter pour que je souscrive une action pour un journal qu'il veut fonder avec le fils Grassis. J'ai refusé. Raymond qui avait cessé d'écrire reprend son journal.. Vendredi 14 avril Le Gouverneur est rappelé avec le titre d'inspecteur et commandant de l'armée de réserve. L'Intendant est dit-on destitué. Il parait qu'on l'accuse de plus que d'imprévoyance. Il paraissait fin et spirituel. Il n'est regretté par personne. Quant au Gouverneur, il est malheureux que le premier Gouverneur qui s'est montré populaire ait fini de cette manière. Hier a paru dans le journal une proclamation faite au nom des Savoyards de Paris en faveur de notre état actuel, et attaquant la République française dans les termes les plus vifs. Elle a été accueillie avec plaisir et louée publiquement, le parti contraire, qui élevait hautement la voix il y a peu de jours, à propos des circulaires de Ledru-Rollin, se tait et se cache. J'ai entendu au café Pache nier que le poste de la place Saint Léger eut reçu l'ordre le jour de l'affaire du 3 de rendre les armes aux ouvriers assaillants ; que Corso qui était officier du poste ne montrait qu'un bout de papier sans signature, avec de l'écriture au crayon. Beaucoup de personnes n'ont pas foi en lui. On le croit à double face. Il est soupçonné d'avoir soustrait une première liste pour une illumination faite au café Pache, et de l'avoir envoyée à Turin comme contenant la liste des noms des radicaux de Chambéry. D'un autre côté pendant la journée du 3 courant il a fraternisé avec les arrivants et il est allé le soir à Chapareillan, sans qu'on puisse savoir pour quel motif. On parle toujours de la réélection des officiers de la garde nationale. Il parait que ceux actuels refusent maintenant de donner leur démission. Ils y seront forcés. Lacoste est toujours au secret. Samedi 15 avril J'ai vu Genin qui continue à pérorer contre notre pays, à propos des élections. Il me parait cependant un peu battu par la dernière échauffourée. Il nous a bien dit qu'il la désapprouvait, qu'elle était dégoûtante, et que pour ne pas en être témoin il était allé à la campagne ; mais je sais qu'il est parti sur le conseil qui lui a été donné par une personne de ne pas se montrer, pour ne pas se compromettre, et qu'il est de fait allé à la campagne de cette personne. Il aurait du continuer cette conduite prudente, mais elle ne pouvait durer avec sa tête. Il est allé jusqu'à Grenoble, où il s'est trouvé avec Parent fils. Tout cela et ses forfanteries républicaines lui nuiront beaucoup dans son commerce.
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