4 - LA SAVOIE - DOCUMENTS - HISTOIRE - Documents de Savoie - - 3 - Mercredi 8 mars Jour des Cendres. Rien de saillant. Je suis allé me promener à la Boisse avec Alphonse Rey et Galley. Nous avons beaucoup parlé politique et système nouveau de société. Rey nous a dit que beaucoup de personnes, notamment les grands, avaient refusé de signer l'adresse faite au Roi par le conseil de ville de Chambéry, en objectant leur désapprobation de la conduite des autorités et du Gouvernement dans l'affaire des Jésuites. On m'a dit que l'Archevêque de Chambéry et les autres évêques de la Savoie s'étaient compromis avec les Jésuites. La Charte constitutionnelle est arrivée lundi soir. Elle est grandement désapprouvée. On la blâme en ce que 1° les députés ne reçoivent aucun traitement ni indemnités, 2° rien sur l'enseignement, 3° point de jury, 4° apanages et dotations des princes à l'infini. Je n'ai vu personne qui ne soit content. Les exigences grandissent avec les évènements. Une personne m'a dit qu'étant allée hier matin au Bourget et ayant rencontré le syndic de cette commune, celui-ci lui avait dit qu'il venait d'être informé qu'une vingtaine de jésuites étaient réfugiés au château de la Serraz, où ils avaient été recueillis par Mme Veuve Du Serraz. Le syndic ne sachant quel parti il devait prendre est allé chercher les ordres de l'Intendant, qui lui a dit qu'il fallait enjoindre aux Jésuites de partir. Louis Guillaud m'a dit qu'étant allé voir les Jésuites au moment de leur débâcle, il avait cherché à faire le plus sincèrement possible des condoléances au père Besson, et que celui-ci lui avait répondu deux fois de suite, avec ce ton jésuitique inimitable, ce n'est pas nous qu'il faut plaindre, c'est vous. Quelle insolence ! J'ai beaucoup ri le soir en me promenant sous les portiques du projet de nous déclarer indépendants, en cas de secousse en Italie, et de former une petite république, ou plutôt un petit royaume avec Louis Philippe, sans liste civile. Jeudi 9 mars On vient de recevoir la loi sur la garde nationale. On en est mécontent. Elle n'est pas assez libérale. Elle est dérisoire en ce qu'elle laisse au Gouvernement la faculté de ne pas assurer la garde. Je n'ai rencontré que le fils Besson de Méry qui en soit joyeux. Je ne crois pas qu'il y ait, à moins d'un changement, beaucoup de personnes qui se présentent volontairement pour en faire partie. Les journaux de Turin annoncent la retraite de tout le ministère, et l'appel d'un ministère pris dans les gens du mouvement. Les nobles qui s'étaient réjouis de la consécration de leurs titres dans la charte, sont retombés dans l'anxiété à la vue des manifestations graves faites contre la charte à Gênes et à Turin, et à la vue du mécontentement général. Rambert dit de Châtillon qui s'était fait populaire au commencement des réformes m'a paru désappointé ; il rêvait je pense une députation de 1814. La députation sera probablement orageuse, et la noblesse en sera écartée autant que possible. Il n'y aura que justice, car elle mérite plus que le retrait de la confiance publique par les tiraillements qu'elle fait éprouver à la marche du Gouvernement. On a beau fouetter des chevaux poussifs, et rétifs. On ne fera jamais beaucoup de chemin avec eux. La bourgeoisie talonne la noblesse. Celle-ci sera obligée de céder, mais la bourgeoisie sera talonnée à son tour. Une nation en mouvement ne s'arrête pas facilement. La charte sera modifiée, car elle est encore plus ridicule que ( ..). On ne veut pas reconnaître la souveraineté du peuple. Il le faudra, à moins qu'on ne préfère se la faire imposer. La bourgeoisie reconnaît cette souveraineté ; mais elle se croit seule appelée à représenter le peuple. Vendredi 10 mars Il ne s'est rien passé d'extraordinaire. On a seulement appris qu'à Lyon on était sur le point d'en venir à une collision, les ouvriers ne voulant pas se retirer et faisant des demandes exagérées. Il parait qu'ils occupent en armes la place des Terreaux et qu'ils demandent un million, menaçant de piller en cas de refus. Le soir me trouvant au café de l'Union nationale j'ai vu dessiner le fond de la pensée de beaucoup de gens sur la question des ouvriers. Perret ne trouverait pas mauvais qu'on les mitraille. Je le crois dur et hautain envers ceux qui sont sous ses ordres. Au reste les personnes qui occupent des ouvriers leur sont généralement peu favorables. Ract Henry voudrait qu'on leur fit des concessions, surtout eu égard aux circonstances présentes. Il voudrait que la ville de Chambéry fit des travaux, lors même qu'elle serait obligée d'emprunter. L'avocat Molin veut temporiser et prétend par ce moyen ramener les ouvriers à la raison. Je n'ai pas entière foi à ces systèmes. Il m'a paru que tous nos messieurs ne verraient pas avec peine que l'on fustigea un peu les ouvriers de Lyon.
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