4 - LA SAVOIE - DOCUMENTS - HISTOIRE - Documents de Savoie - - 8 - Jeudi 23 mars Ce matin tous les curieux affluaient dans les cafés et colportaient les nouvelles. On voyait beaucoup de belliqueux qui voulaient que le Roi de Sardaigne alla au secours des Milanais. Une lettre de Turin ayant annoncé que l'Angleterre et la Russie s'opposaient à toute intervention, cette nouvelle a un peu calmé leur enthousiasme. L'ensemble des nouvelles n'est pas favorable à la cause de la liberté. Au moins c'est ainsi que beaucoup de personnes l'ont interprété. J'ai vu arriver Rambert au café Pache. Il m'a paru content et retenir avec peine sa satisfaction. La noblesse est bien coupable, si un jour elle éprouve une secousse, qui pourra dire qu'elle ne l'a pas méritée. Rentrant chez moi vers neuf heures du matin j'ai vu Carcey lisant un factum à un groupe composé presque entièrement de nos républicains. Il m'a paru que c'était sa profession de foi politique. Nous aurons de singuliers députés. Il ne sera cependant pas élu ; mais je ne vois pas encore un homme. On m'a dit que Gillet se présentait à la Motte. Il est jugé inhabile par ceux qui le connaissent. Il a été syndic de Saint Alban, il est riche, il se croit propre à tout. Il y aura des députés qui parleront assez pour lui, et lui sourira pour eux. C'est la loi du libre échange. Ract m'a raconté que se trouvant un soir chez Cléry en société avec Leysature , en parlant politique, celui-ci lui avait dit qu'il espérait une réaction. Sur quoi Ract lui aurait répondu violemment que le peuple aurait peut-être bien encore une heure pour les jeter tous (les nobles) dans Leysse. Alphonse Rey est toujours effrayé du mouvement. Vendredi 24 mars On a reçu aujourd'hui à l'arrivée du courrier la nouvelle de l'intervention du Roi de Sardaigne en Lombardie. Les nouvelles des journaux piémontais sont décousues. On n'y comprend rien. Ce soir on a donné un charivari au fils Dupuis qui s'était enfui de Turin. Il parait que ce jeune homme est fat, et les jeunes gens ont saisi cette occasion pour lui faire connaître leurs sentiments. J'ai vu le même soir Dupuis le père, il faisait bonne contenance autant que possible ; mais il avait l'air d'avoir le cur bien gros. Les charivariseurs sont allés ensuite chez Mr Raymond ; mais celui-ci ne s'en est point fait de mauvais sang. Il a au contraire plaisanté. Samedi 25 mars Ce matin vers midi est parti le premier régiment de la brigade de Casal en garnison dans notre ville. Elle a été accompagnée en triomphe par presque toute la ville, avec la musique des Pompiers en tête jouant la Marseillaise. Les soldats ne paraissaient pas tristes, il y avait seulement peu de vrai enthousiasme. Il faut attribuer cela au caractère de la nation, et il faut croire que parmi ces soldats il y en avait beaucoup qui pensaient à leur femme, à leurs enfants qu'ils avaient laissés pour aller se battre. Ils feront malgré cela bien leur service. C'est un beau régiment bien armé ! A quatre heures les postes de la place Saint Léger, de l'hôtel de ville, de la poudrière, des prisons et du faubourg Montmeillan ont été relevées par les pompiers et la garde urbaine. Jeandet a été le premier officier qui a commandé les postes. Le soir des patrouilles de citoyens armés ont circulé dans la ville pour maintenir l'ordre. Le fait le plus important de la journée a été le charivari de nouveau donné à Raymond au sujet d'un article d'une plate insolence inséré dans le Courrier des Alpes sur l'adresse des savoyards résidant à paris au Gouvernement provisoire. Raymond est malheureux, il ne sait pas toucher une seule question d'actualité sans vexer les sentiments généraux. Cependant je désapprouve grandement ce qui s'est passé envers lui, car on a cassé les vitres, les volets, les fenêtres, et on a jeté plus de deux tombereaux de pierres dans sa maison. Ce ne sont pas, il parait, les moteurs du charivari qui se sont portés à ces excès. Ce sont d'autres individus qui ont profité de cette circonstance pour exhaler leur haine personnelle. On accuse Parent fils d'avoir recruté pour cela dans Maché tout l'après-midi. Avec de semblables principes on ne sait trop où l'on s'arrêtera.
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