1 - NUMISMATIQUE - MONNAIES - COINS - Numismatique orientale -
1 - La léproserie de Culion Pour un psychologue, les collections en général et plus particulièrement la collection des monnaies et billets pourraient participer d'une névrose... Collecter des monnaies et billets dans un but de possession et de valorisation, donc de spéculation, ramènerait le collectionneur au rang peu intéressant mais intéressé de spéculateur. Heureusement, la numismatique, science de la monnaie et des médailles, n'est pas que cela. Il est indéniable que le numismate collectionne les monnaies, mais à travers celles-ci, il étudie l'histoire, la géographie, l'économie mais aussi la gravure, la sculpture, la chimie (métaux) ... Le numismate voyage dans le temps et dans l'espace. Il côtoie, à partir de ses livres et de ses monnaies, d'autres civilisations actuelles ou disparues. L'argent a de tout temps participé intimement à la vie des hommes et des femmes. L'évolution de sa forme monétaire, pièces et billets, traduit l'histoire de l'humanité, donc les joies mais aussi les peines et souffrances des peuples... Une infime frange de la population, les lépreux, ont été rejetés pendant des siècles par les différentes collectivités. Rappelons-nous l'image, dans nos manuels d'histoire, des lépreux au moyen-âge qui, avec leurs clochettes, avertissaient de leur passage les populations effrayées par cette maladie... et les nombreuses maladières ou maladreries lieux de ségrégation pour les malades rassemblés. Je vais donc vous parler aujourd'hui du monnayage créé spécifiquement pour les lépreux en Asie et plus particulièrement aux îles Philippines constituées d'un ensemble de plus de 7000 îles.
En prenant le contrôle des îles Philippines, les autorités américaines sont tout de suite confrontées à de nombreux problèmes sanitaires dont celui de la lèpre. Cette maladie d'évolution très lente est une affection mutilante et contagieuse. Les autorités décident dès 1903 de créer une colonie de confinement obligatoire afin de limiter la contagion et d'établir en un seul lieu un potentiel médical important. L'île de Culion au nord de Busuanga, province de Palawan, est retenue comme lieu de ségrégation. Des milliers de lépreux provenant de toutes les îles des Philippines seront envoyés et reclus dès 1906 dans une partie de l'île de Culion, le restant de l'île étant habité par les natifs et par l'administration du Service de la Santé. La communauté lépreuse s'organise, chacun essayant de se faire une petite place dans cette société recluse et isolée. Les couples lépreux sont séparés de leur progéniture dès l'accouchement terminé, ils ne verront leur enfant pour le restant de leur vie qu'à travers des grilles les isolant du monde non contaminé...
Dans le langage populaire, l'île de Culion était appelée l'île des morts-vivants, cette dénomination nous permet peut-être de mesurer sinon d'appréhender quelque peu la détresse et la misère de ces hommes et de ces femmes atteints par la maladie. L'hygiène avançant en même temps que la connaissance médicale, les soins et traitements ainsi que l'isolement ont permis quasiment d'éradiquer cette maladie aux Philippines. En 1998, la léproserie est devenue un hôpital général pour la province de Palawan, et l'île isolée fut convertie en une municipalité ordinaire... Cette cité des lépreux ressemblait presque à une cité ordinaire, avec ses diverses corporations. Pour la faire vivre, il fallait du numéraire pour payer les diverses tâches, acheter les marchandises, etc.... Or tout le monde était persuadé que les monnaies et billets "souillés" par les lépreux étaient contaminés, d'où une fabrication de monnaies spéciales uniquement pour cette communauté isolée.
Ce n'est que vers 1940 que la communauté scientifique admet qu'avec un peu d'hygiène, la transmission de la maladie ne pouvait pas se faire à travers les divers objets manipulés par les lépreux. Cette peur de la contamination a fait en sorte que les stocks de billets ou monnaies non utilisés ou en mauvais état ont été systématiquement détruits. De plus personne n'osait collecter et donc collectionner ce genre de monnaies de peur d'être atteint à son tour par la maladie...
Toutes les pièces et billets émis pour la léproserie de Culion sont donc difficiles à trouver. La plupart de ces monnaies sont en état B à TB, mis à part la pièce de 1/2 centavo de 1913 qu'on trouve toujours dans un état quasi neuf. Il semblerait d'ailleurs que cette monnaie n'ait pas réellement circulé. Les monnaies les plus courantes de la léproserie de Culion se vendent aux Philippines de 30 à 40 US$ l'unité (1500 à 2000 pesos philippins), les plus rares telle la pièce de 1 centavo de 1913 peuvent atteindre 300 US$. Les billets ne sont pas donnés non plus, leur prix est de l'ordre de 100 à 200 US$ en fonction de l'état. Ces prix élevés résultent d'une demande relativement forte outre-Atlantique pour ce type de monnayage. Il ne faut pas oublier que les Philippines étaient à l'époque de ce monnayage intégrées aux Etats Unis d'Amérique, et de ce fait de nombreux collectionneurs américains de nos jours recherchent les monnaies de la léproserie de Culion. Parfois on voit des monnaies et billets de Culion passer sur des sites de ventes aux enchères sur Internet, tel E-Bay. J'ai d'ailleurs tenté ma chance sur quelques billets, j'ai enchéri mais tous les billets ont dépassé sans problème mes limites budgétaires...
Ce bref aperçu numismatique vous a intéressé, vous avez besoin de compléments d'informations, vous avez des remarques à faire, des compléments à ajouter, alors n'hésitez pas à nous contacter : contact@multicollec.net
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